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Le commerce de détail européen dans la tourmente, quel avenir pour la distribution des biens de consommation ?

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Le commerce de détail européen a vécu ces 60 dernières années plusieurs révolutions qui a chaque fois en ont profondément changé la physionomie et ont toutes eu un impact sur notre société et notre mode de vie. Les évolutions récentes liées à l’essor du commerce sur Internet semblent franchir un nouveau cap, ce n’est plus la physionomie des villes et de leur périphérie qui change c’est la société qui évolue en profondeur.

Ces différentes évolutions du commerce impactent les commerçants mais également notre manière de vivre. On peut tenir compte de 4 étapes majeures qui sont :

 

Etape 1                Le commerce de centre-ville et les usines de production en Europe

Etape 2                La naissance de la grande distribution et de la délocalisation de la production l’apogée de l’automobile.

Etape 3                Le développement de la franchise, des centres commerciaux et la piétonisation des centre villes.

Etape 4                Le commerce en ligne et la désertification des centre villes.

 

Dans les années 50 celles de la reconstruction d’après-guerre, le commerce de centre-ville connait son apogée et les usines de production situées géographiquement à proximité des magasins tournent à plein régime. Les commerces spécialisés et les grands magasins de centre-ville sont prospères, les consommateurs n’étant que faiblement motorisés animent la vie des villes et des gros bourgs où se développent des activités annexes tels que les bistrots, restaurants et services en tous genres (cordonniers, menuisiers etc.)

 

Dans les années 60 émerge en Europe une nouvelle manière faire du commerce ce que l’on appelle la grande distribution qui est essentiellement alimentaire. La France sera la pionnière en la matière, les pays limitrophes tels que l’Allemagne et l’Italie étant plus en retrait. Des visionnaires vont acheter des terres agricoles en périphérie pour une bouchée de pain et y implanter des surfaces de vente de plus en plus grandes flanquées d’immenses parkings. Ce type de commerce connaitra un essor foudroyant avec des hypermarchés de plus de 10.000 m2 et des galeries marchandes louées à des commerces non alimentaires. Ces mastodontes vont peser par leurs centrales d’achat sur les prix de vente des industriels les incitants à délocaliser leur production tout d’abord vers les pays de l’Est (Pologne, République démocratique allemande, Tchécoslovaque aujourd’hui disparue). Puis la production, en raison de l’obsession du toujours moins cher des centrales d’achat, va s’implanter de plus en plus vers l’est (Vietnam, Inde, Chine) et aura une influence considérable sur le transport maritime et les besoins en matière de navires et de conteneurs. L’industrie automobile commencera à la même époque son essor les consommateurs soucieux d’acheter moins cher et avec moins de contraintes (parking) auront de plus en plus besoin d’utiliser une voiture.

Des années 70 aux années 2000 et malgré les soubresauts des chocs pétroliers une essor global du commerce dans tous les canaux de distribution se constate. Les indépendants démunis par rapport à la grande distribution rejoignent en grand nombre des franchises, les centres villes sont réservés aux piétons entrainant une « gentrification « du commerce indépendant (montée en gamme). Des centres commerciaux multi commerce voient le jour. Disparaissent en revanche du paysage urbain les bistrots, les petits artisans (cordonniers, serruriers, bouchers, menuisiers etc.) De 600.000 dans les années 60 le nombre de bistrots en France est passé à moins de 35.000 en 2018. La désertification des gros bourgs se met en marche. Les investisseurs institutionnels et privés achètent à prix élevé des murs de commerce entrainant des hausses de loyer dans les artères commerçantes.

Si au début des années 2000 la vente en ligne en est encore à ses balbutiements entrainant son lot de faillites et de défaillances en tous genres il n’en est plus de même en cette fin de décennie. Une roue géante est en train de prendre son élan et de tout laminer sur son passage.

Les commerces dans les villes moyennes ferment, les gros bourgs deviennent des cités dortoirs, la grande distribution perd des parts de marché et les marques même les plus prestigieuses, qui en réalité ne produisent plus rien en direct, tremblent sur leurs bases.

Les mastodontes de l’Internet (Amazon, Alibaba) sont en train de devenir le cauchemar du commerce traditionnel. En France ces vingt dernières années le législateur sous l’influence des petits commerçants et des industriels a mis en place des barrières légales pour empêcher le développement anarchique des super et hypermarchés, pour empêcher la mise en place de méga centrales d’achat et pour réduire le chantage aux remises et marges arrière de la grande distribution.

Toutes ces craintes se réalisent aujourd’hui amplifiées par le faible nombre d’acteurs dans la vente en ligne. Amazon est à ce jour le plus grand supermarché du monde même si les linéaires ont été remplacés par un site Internet. Amazon est également la plus grande Centrale d’Achats du monde. Et si le Big Brother d’Orwell était Jeff Bezos (PDG d’AMAZON) à qui on ne peut nier des qualités de visionnaire de génie ?

Il est incontestable que le commerce traditionnel va devoir de plus en plus investir des niches de marché pour survivre. Par exemple certains détaillants de la confection ont abandonné le marché de la mode en perpétuelle évolution pour se consacrer avec succès aux seniors qui eux ont encore du mal avec les achats en ligne. Des fabricants textiles ont concentré leurs investissements sur le « Never Out of Stock » (les produits de base sont toujours en stock) pour apporter un véritable plus à leurs clients submergés par le rythme des collections qui se renouvellent tous les 6 mois.

Qu’en est-il des paiements, de la gestion des impayées et du recouvrement ? Leur évolution est elle aussi majeure que celle du commerce de détail ?

Même si les habitudes dans certains pays dont la France sont encore tenaces on constate un changement profond en matière de moyens de paiement. Si au cours années 50 et 60 la lettre de change aussi appelée traite papier et le chèque sont les moyens de paiement les plus couramment utilisés très vite l’évolution du commerce va générer de nouvelles habitudes de paiement. Et ceci plus particulièrement en France ou Mr Moreno va inventer la carte à puces. Bien avant les pays limitrophes (Allemagne, Italie) les Français vont devenir de fervents utilisateurs de la carte de crédit sous l’impulsion de la grande distribution qui découvre un moyen de paiement simple et sécurisé évitant la manipulation des espèces et   la gestion des chèques impayés. Et les techniques de paiement ne cessent d’évoluer avec l’arrivée de la carte de paiement sans contact et avec la possibilité de paiement par Smartphone.

Les sociétés de recouvrement ont également professionnalisé, leur approche la démarche par encaisseur dans le cadre de visite domiciliaire ayant peu ou prou disparu. Les Tribunaux se sont mis au numérique il est possible de déposer des injonctions de paiement en ligne et de régler les frais de greffe par carte de crédit. Le renseignement commercial s’est également mis au tout numérique proposant des informations financières plus ou moins fiables à un prix extrêmement bas, sonnant le glas de beaucoup d’enquêteurs.

Ce qui n’a pas changé c’est la lourdeur et le coût des actions judicaires plus particulièrement dans le Sud de l’Europe (Espagne, Italie, France, Grèce, Portugal). Il s’est développé une vaste zone de non droit pour ce qui concerne le recouvrement des dettes de faible montant qui ne peuvent quasiment pas être encaissées.

Les sociétés de recouvrement vont devoir s’adapter à ce nouvel environnement. Il est probable que la dématérialisation des transactions et des paiements va modifier en profondeur le crédit fournisseur qui risque de se réduire de manière drastique obligeant le commerce à chercher de nouvelles méthodes de financement.